L’histoire extraordinaire des 20 mm plats français

 

50 ans de passion, 50 ans de création

              Une œuvre collective, une aventure unique sans équivalent, qui se poursuit depuis plus de cinquante ans, plus de  800 références de figurines éditées , voilà qui mérite d’être raconté. Remontons donc le temps dans l’univers de la figurine plate avec les matériaux dont nous pouvons encore disposer aujourd’hui, en croisant et confrontant publications, archives et souvenirs personnels.

 

 

 

 

          Le format 20 mm apparaît en Allemagne au milieu des années 1930 ; à l’époque il est conçu pour figurer en arrière plan de dioramas constitués de figurines du format habituel, le 30 mm.

          Mais ce format est également particulièrement adapté pour le jeu de guerre avec figurines (kriegspiel) . Tout d’abord celles-ci sont moins onéreuses à l’achat et peuvent se contenter d’une peinture moins détaillée. En outre, le 20mm autorise le déploiement de plus grandes grandes masses sur la table de jeu, et a l’avantage de pouvoir s’intégrer dans des éléments de décor existant (bâtiments, végétation) du modélisme ferroviaire à l’échelle HO.

          C’est ainsi qu’à côté des éditeurs allemands (Schirmer, Söllner, Tobinnus, Trips...), des collectionneurs membres de la Société des collectionneurs de figurines historiques, également membres pour la plupart de La Sabretache (les deux associations fusionnent en 1970), par ailleurs amateurs de kriegspiel, décident au siècle dernier d’éditer des figurines plates au format de 20 mm, destinées essentiellement à leur passe-temps, mais suffisamment fines pour figurer dans des dioramas. Ils le font soit individuellement soit de manière groupée, mais toujours en coordination.

 

Tout commence en 1966

          Cette année là, Jacques Meyniel commence ce qui est aujourd’hui l’une des collections les plus complètes sur le début de la période impériale (1805-1807). Les dessins sont alors de Jack Girbal (qui disparaît en 1972) et la gravure de Gerhard Söllner. Par la suite, le dessinateur principal sera Lucien Rousselot et le graveur attitré Daniel Lepeltier. Cette collection se poursuit toujours de nos jours et s'enrichit chaque année un peu plus.

Après cette ouverture vont suivre des années fastes de production (1967-1982)

          L’année suivante, 1967, Jean Belaubre, qui constate que les catalogues des éditeurs allemands ne comprennent que les armées occidentales pour le début du XVII° siècle, se lance dans l’édition des troupes polonaises pour une période allant de Stephan Bathory à Jean II Sobieski, soit globalement le XVII° siècle. Les dessins sont l’œuvre de Jean-Jacques Gilet, par ailleurs artiste-peintre, à l’exception des quatre premiers qui sont de Le Ruez. La gravure est de Raphaël Pepin pour toute la série (36 références), qui sera terminée en 1969 . La particularité de cette série c’est que les moules sont en fonte d'aluminium, l’ardoise de Thuringe, habituellement utilisée, étant difficile à se procurer en France à l'époque.

          Parallèlement à ces premières initiatives, individuelles, va se développer un projet collectif: à la fin des années 1960 se constitue dans la région parisienne, autour de Pierre Fouré, Jean Belaubre et Roger Bedot, un groupe de collectionneurs et de joueurs, en vue de l’édition de figurines 20 mm. Ce groupe, qui comprend également Jean-Jacques Gilet et le peintre Christian Terana, est resté dans les mémoires sous le nom de « groupe de kriegspiel de la Sabretache ».

          A partir de 1969, le groupe va faire paraître simultanément deux séries distinctes. La première est consacrée aux guerres de la fin du règne de Louis XIV en s'attachant d'une part à la guerre de la ligue d'Augsbourg, d'autre part à la guerre de succession d'Espagne. La seconde concerne la guerre de Trente ans. Les dessins sont de Jean-Jacques Gilet, Christian Terana, Gerhard Söllner, Lucien Rousselot et Jean-Luc Guitard. La gravure est d'abord de Raphaël Pépin, puis de Daniel Lepeltier qui commence son activité en 1974. Les deux séries s'arrêteront au début des années 1980 avec le départ de Pierre Fouré, cheville ouvrière du groupe, qui quitte la région parisienne pour rejoindre la Bretagne.

          Mais, entre temps d'autres initiatives avaient vu le jour.

          Il s'agit d'abord de celle de Luc Demazure pour le premier empire. Les figurines de Jacques Meyniel avaient en effet été conçues pour les campagnes de Prusse de 1806 et de Pologne de 1806-1807. On y trouve naturellement des français, des prussiens et des russes, mais aucun autrichien. Impossible donc de figurer complètement la campagne d’Allemagne de 1805. Luc Demazure va combler cette lacune en entreprenant à partir de 1976 l’édition de figurines pour l’armée autrichienne, sur la base de dessins d’abord de Christian Terana puis de Lucien Rousselot. Le graveur unique depuis le tout début est Daniel Lepeltier. Cette série, qui comprend 69 références, est achevée en 2017, avec la parution des officiers d'état-major, de l'infanterie légère et des pionniers.

          Cette même année 1976, Jean Belaubre engage l'édition d’une nouvelle série sur la guerre de Sécession. Jean-jacques Gilet est l’auteur de la quasi-totalité des dessins, Daniel Lepeltier en assurant la gravure. Les parutions s'arrêtent en 1982 ; la série, inachevée, comporte alors 54 références. Jean-Michel Vray fera paraître beaucoup plus tardivement, au début des années 2000, un complément de 4 figurines de cavaliers en combat à pied, sur la base de dessins de Jean-Luc Guitard remontant à 1982 !

 

          En 1978, Serge Kouchnir édite une petite série (15 références) sur la guerre de 1870, consacrée à l'infanterie de la garde impériale française. Il s'agit de compléter les nombreuses figurines consacrées à cette période par les éditeurs allemands. Les dessins sont l’œuvre de Lucien Rousselot et la gravure de Daniel Lepeltier.

          Il est également à signaler une toute petite série de 10 figurines sur les troupes turques pour la période 1500-1700 parue en 1970 à l’initiative de Christian Terana qui en a exécuté les dessins et dont la gravure fut confiée à Raphaël Pépin. Il n’a pas été possible d’en déterminer l’éditeur, de retrouver le projet auquel elle correspondait, ni enfin de savoir pourquoi elle comporte si peu de références.

Distribution, vicissitudes et spectre de la dispersion

            Les moules gravés, il reste à fondre les figurines et à en assurer la distribution. Deux voies différentes sont empruntées à l'origine selon l'éditeur.

          Jacques Meyniel, qui avait fait graver ses premiers moules en Allemagne par Gerhard Söllner, confie tout d'abord la distribution de ses figurines également en Allemagne, à Tobinnus, ce qui ne simplifie pas les choses. Dans le courant des années 1970, il emprunte le même circuit de distribution que le groupe de kriegspiel, Jean Belaubre, Serge Kouchnir et Luc Demazure. Les figurines de ceux-ci sont en effet dès le début distribuées par un des membres du groupe, Jean-Jacques Gilet. En 1976, la distribution de l'ensemble des figurines est reprise par Christian Terana, Jean-Jacques Gilet n'ayant plus le temps de s'en occuper (il quittera d'ailleurs peu de temps après la France pour s'installer en Toscane). Christian Terana, qui est également imprimeur, édite à la même époque un catalogue illustré, composé de feuillets volants de format A5, ce qui facilite les mises à jour.

           On l'a vu, les productions du groupe de kriegspiel s'interrompent au début des années 1980. Luc Demazure, pris par ses activités professionnelles, doit également à la même époque suspendre l'édition des troupes autrichiennes. Seul Jacques Meyniel poursuit l'édition pour le 1er empire, étoffant en particulier de manière conséquente les figurines consacrées à la cavalerie française.

          Au début des années 1990, Jacques Meyniel confie la distribution de ses figurines à une entreprise commerciale. L'essai est de courte durée et prend fin en 1994 avec la vente aux enchères de l'ensemble des moules de la collection. Comme c'est souvent le cas en pareille occasion on pouvait craindre sa dispersion alors qu'il s'agit d'un ensemble homogène qui possède sa propre unité. La dispersion a bien eu lieu, mais de façon toute relative. Luc Demazure a en effet pu racheter la plus grande partie des moules. Une minorité (24 moules représentant 64 figurines) a néanmoins été dispersée, comme par exemple les séries sur les Mamelouks ou l’artillerie à pied prussienne, et ces moules, qui n'ont sans doute plus jamais été utilisés, sont malheureusement aujourd'hui perdus pour la communauté des collectionneurs.

Relance et continuité

          A partir de 1994 les figurines qui avaient été éditées par Jacques Meyniel sont de nouveau distribuées par Christian Terana, et ce jusqu'à sa mort en 2015.

          A la même époque, Luc Demazure, avec au début le concours de Gérard Linsolas, reprend une activité d’édition pour le 1er empire, toujours pour le début de la période. Se plaçant dans une perspective de continuité, avec comme graveur attitré Daniel Lepeltier, il complète la collection en ne se limitant plus aux autrichiens. Sur des dessins de Daniel Lordey (de 1996 à 2000) et de Daniel Lepeltier, il fait paraître les troupes saxonnes, les troupes bavaroises, les hussards et uhlans autrichiens et russes, ainsi que l'artillerie à cheval française. Depuis 2016 les dessins sont réalisés par Jean-Luc Guitard. A partir de cette même année voient le jour des séries sur l'infanterie légère française, les cosaques, les gendarmes d'ordonnance, les gendarmes d'élite, et, nous l'avons vu, la fin de la série sur les autrichiens. Il n’est pas prévu que l’aventure s'arrête là. Il reste encore beaucoup à faire, en particulier en s’attachant à des troupes ayant opéré sur d’autres théâtres d’opération, plus méridionaux. Les projets sont nombreux, leur réalisation s'étalera sur plusieurs années.

           Le catalogue sur les figurines 1er empire disponibles (413 références à ce jour) est aujourd'hui en ligne sur le site Internet de l'Association des figurinistes et collectionneurs de figurines de l'est de la France (AFCFEF), dans la rubrique « Les figurines de l'AFCFEF/Nos adhérents éditent ». Luc Demazure est par ailleurs dépositaire de l'ensemble des autres collections, dont la principale est celle du groupe de kriegspiel.

          Ainsi, si des protagonistes du début ont aujourd’hui disparu, le relais a été pris, dans le même esprit qu'à l'origine, celui de collectionneurs passionnés de figurines et d'histoire militaire, dont le seul but est de faire vivre et partager leurs rêves, avec le désir intact de les transmettre.

Jean-Luc Guitard,

avec le concours de Jean Belaubre, Luc Demazure Gérard Linsolas et Daniel Lepeltier

février 2020

 

 

 

 

septembre 2019